Un nouveau départ ou la fin d'une vie ?

Genève. Deuxième visite en la fière cité. Une troisième quand il devrait y repasser, déposant sa filleule. Dommage qu'elle soit si dangereuse... – la ville, pas la filleule^^ –. Pons d'Agoult avait d'ailleurs envoyé à cette dernière un pigeon pour la prévenir de leur arriver imminente. Mais il savait où la trouver. 71 quai des brumes. Joli nom. Décevant à l'arrivée. Pas d'brumes! Enfin, l'amie qui y résidait elle non, au moins. Le prêtre esquissa un léger sourire à ses pensées. Il signala à ses compagnons de mettre pied à terre. Et en une enjambée, il se présenta devant l'huis qu'il cogna du poing pour signaler les invités à la maisonnée.

Ouvrez sicaires! Police secrète du Pape!

La jeune fille s'était éveillée tôt ce matin là car la veille, un pigeon qu'elle commençait à bien connaître, lui avait fait savoir que Pons et ses compagnons seraient bientôt en vue de Genève.

Elle était allé à l'écurie et avait préparé sa monture pour le voyage. Balthazar, la voyant venir avec harnachement et selle, avait poussé un hennissement retentissant, annonçant à la cantonade, le départ de sa maîtresse pour d'autres contrées.
Après l'avoir bouchonné avec énergie, elle lustra le poil avec un chiffon doux. Avec application, elle tressa crinière et queue, espérant que cela empêcherait la poussière et la boue de venir salir les longs crins. Enfin, elle vérifia minutieusement chaque sabot et sa ferrure.
Flattant l'encolure de l'animal d'une main, de l'autre, elle lui tendit une carotte pour le récompenser de sa patience. Avant de sortir de la stalle, elle s'assura que sa réserve d'eau n'était pas souillé par de la paille et rajouta une petite mesure d'avoine dans l'auge.

Puis elle rentra dans sa maisonnette. Elle remplit ses soutes de denrées, de linges de corps et vêtements de rechange, n'oublia pas son nécessaire de voyage pour écrire. Elle rajouta sa gamelle et sa gourde, ainsi qu'un petit sac de jute contenant un peu d'amadou et son briquet.
A sa ceinture, elle accrocha sa dague à droite, avec à côté, une petite bourse contenant quelques écus sachant qu'une autre plus conséquente se trouvait sous le quartier de sa selle, bien calée sous son genou.
Elle se pencha et dissimula une deuxième dague dans sa botte droite en souriant. Ne jamais se retrouver à court d'argument...

Citation :: Ouvrez sicaires! Police secrète du Pape!...

Finger sursauta en entendant les coups sur la porte et les hurlements. Ayant attrapé son épée au passage, elle ouvrit la porte à toute volée. Avec sur le visage, un air courroucé, elle menaça le mauvais plaisantin de la pointe de son arme sans prendre garde à son identité:

Qui ose me donner du Sicaire, que je lui coupe les oreilles ainsi que le nez...

Au moment où elle prononça ces mots, elle se rendit compte de son erreur et baissa dans l'instant son épée.

Bonjour Pons, contente de voir que vous êtes arrivés en un seul morceau à Genève.

Concluant ses paroles, elle rangea son arme dans son fourreau. Elle croisa le regard de son parrain et y vit un éclair de malice. Un sourire pointa à ses lèvres et elle s'avança pour l'embrasser gentiment sur la joue. Elle se tourna vers les trois autres voyageurs et les salua poliment.

Bienvenue à Genève, le phare du monde et de la connaissance.

Reconnaissant avec plaisir Sacraï d'Eirbal, elle s'avança vers lui pour lui faire la bise.

Alors t'as finit par sortir de derrière ton bar, pilier que tu es ?

Faisant signe de la suivre à l'intérieur, elle enchaîna:

J'ai préparé de quoi vous restaurer avant de reprendre la route. Mon cheval est prêt, demain nous pourrons déjà être à Annecy.

Messages : 10 Date d'inscription : 11/02/2010 Le Puy Humeur : Toujours contente

Falfalle salua poliment la jeune femme.
Tandis qu'elle la suivait, elle en profita pour la détailler.
Elle s'arrangea pour se trouver juste derrière elle et lui glissa.
Ainsi vous êtes Finger !
Elle la regarda intensément.
La femme qui a réussi à mettre une pointe d'humanité dans le coeur de mon frère. La seule pour laquelle Dalano a un jour éprouvé de l'amour.

Dalano…

En entendant ce prénom, Finger s’arrêta net et se raidit imperceptiblement. Serrant les poings, une multitude d’images lui revinrent en mémoire.

Elle avait rencontré le jeune homme presque six mois auparavant lors de son voyage à Luxeuil. Dès leur première rencontre, dans la taverne de Sacraï, le courant était passé entre eux. Chaque soir, il venait lui tenir compagnie, alors qu’elle attendait son meilleur ami, Globule. Ils avaient beaucoup parlé, rit aussi. Il s’était montré charmant et prenait un malin plaisir à la faire rougir. A aucun moment elle ne l’avait trouvé inhumain... Au cours de ces soirées, il l’avait assaillit de compliments, finissant un soir par lui déclarer sa flamme après lui avoir volé un baiser. La jeune fille avait été touché par cet amoureux transit et en d’autres circonstances lui aurait sûrement laissé une chance.

Malheureusement pour lui, elle se relevait à peine d’une séparation difficile et ne se sentait pas prête à refaire confiance à un homme. Sachant toute tentative d’histoire d’amour vouée à l’échec, elle avait cherché à le décourager, lui répétant de ne surtout pas tomber amoureux d’elle. Mais sa seule réponse était que c’était trop tard. En désespoir de cause, elle s’était inventé une amourette avec son compagnon de voyage et avait éprouvé une immense tristesse en voyant le regard blessé que lui avait lancé Dalano avant de sortir de la taverne et de sa vie.
Finalement, à défaut d’amourette avec Globule, ils avaient bel et bien eu une aventure. Celle-ci , comme prévu, se termina mal et se solda par le départ de son ami au monastère, déçu qu’il était de n’avoir pas su réchauffer le cœur de la jeune fille.

Reprenant sa respiration, elle ferma les yeux un instant avant de se retourner et attendit que la jeune femme lui donne des nouvelles de son frère.

Messages : 10 Date d'inscription : 11/02/2010 Le Puy Humeur : Toujours contente

Dieu qu'elle était jolie et émouvante !
Quand elle se retourna vers elle, Falfalle fut surprise du regard empreint de mélancolie que lui lança Finger
Etait-il possible qu'elle éprouvât une quelconque sympathie pour Dalano ?
Elle regretta d'avoir prononcé son nom.
Que lui dire de ce frère tant haï qui n'avait jamais eu un regard, une once de pitié pour sa petite soeur ?
Cet être vil et ignoble qui avait détruit Adelhaïde avant de la faire fuir.
Cet être sans coeur, sans foi ni loi.
La seule fois où elle l'avait trouvé humain, c'était lors de son arrivée à Luxeuil, quand après avoir trop bu en taverne, il lui avait parlé de Finger, avant qu'elle ne réussisse à le faire partir, déterminée qu'elle était à ce qu'il disparaisse à tout jamais !
Elle n'avait jamais compris pourquoi il avait accédé si facilement à ses désirs. Se pouvait-il que ce fût à cause de cette délicate jeune femme ?
Décontenancée, Falfalle restait silencieuse, se contentant de sourire.

Finger vit une multitude d'expressions passer sur le visage de la voyageuse. Comprenant que le sujet lui était difficile, elle reprit la direction de la maison se demandant ce qu'était devenu le jeune homme.

Un bisou claqué sur sa pauvre joue glacée. Vraiment, son amie n'était pas gentille ; toujours à le martyriser depuis qu'ils s'étaient rencontrés il y a de cela quelques mois. D'ailleurs le rusé Pons profita qu'elle détourna son attention vers les deux mâles l'accompagnant pour s'éclipser et pénétrer dans la chaleureuse chaumière. Il posa sur sa table une fougasse encore fraîche dans son torchon, avec la flasque de mirabelle de Uriel. Puis il se précipita vers la cheminée pour se réchauffer. Le Provençal écouta d'une oreille distraite les échanges entre les deux femmes. Visiblement Falfalle et Finger avaient quelque chose qui les liaient. Un homme. Dalano ? Inconnu au bataillon. Voilà donc la personne qui faisait qu'elle ne voulait pour rien au monde retourner à Luxeuil. Un frère pour Falfalle ? Eh bien il découvrait... Alors entre jouer la femme enceinte et colporter des choses sur lui, elle parlait peu d'elle finalement. Mais bon, l'heure n'était plus à la réflexion, et il rejoignit la table pour commencer à couper son pain.

Messages : 10 Date d'inscription : 11/02/2010 Le Puy Humeur : Toujours contente

Pons s'était installé à table.
A boire, à manger, la table mise, une douce chaleur, Falfalle se prit à penser que ce serait bien bon d'avoir un homme à la maison.
Encore aurait-il fallu qu'elle eût une maison.
Après tout, on n'était plus en taverne.
Elle se glissa silencieusement à côté de Pons et prit place tout contre lui.

Resté quelques instants dehors, le Premier Archidiacre et Capitaine Episcopal de Trèves n'était pas à son aise à cause des sicaires réformés.
Non pour lui mais pour ceux qu'il accompagnait ; Pons avait sans doute dû avoir un jour la langue trop longue et il était fort à parier que sa têté était mise à prix.

Enfin, il était peut-être trop tôt pour les lions. il pénétra alors dans la chaûmière. Oh qu'il semblait y faire bon vivre, un bon feu, sans doute une bonne soupe.
Que manquait-il ? De la musique, de la danse bien sûr et ... euh oui ... de la mirabelle.

Restant un peu à l'écart, il attendit que les présentations se fassent.

Finger se tourna vers le seul voyageur à qui elle n'avait pas encore adressé la parole.

Messire, permettez moi de me présenter. On me surnomme Finger, Sergent-Chef de la police de Genève, fillieule du Père Pons devant le Très-Haut. Soyez le bienvenue dans mon humble demeure. Elle n'est pas bien grande mais vous y trouverez de quoi vous restaurer en vue du voyage qui nous attend.

Elle se dirigea vers la table et servit la mirabelle que Pons avait posé sur la table dans une coupe d'étain. Elle la tendit à l'inconnu en lui faisant signe de s'installer.

Uriel lui sourit et s'inclina.

Enchanté Damoiselle Finger, je vous remercie de votre accueil.
Alors si le Père Pons est votre parrain, vous ne pouvez être qu'une personne de qualité !

Je me nomme Uriel, Premier Archidiacre et Capitaine Episcopal de Trèves, et bien d'autres choses encore, mais je ne vais point vous assommer avec mes nombreuses charges qui finalement n'intéressent pas grand monde.

Il rit, toujours de bonne humeur. Regardant le liquide doré couler dans la chope, la salive lui vint à la bouche et c'est sans se faire prier qu'il accepta le contenu de la flasque qu'il avait remis à Pons au début du voyage.

Ce n'était pas tout ça, mais la route était encore longue avant d'arriver en Provence...

Allez, en route mes amis!

Remettant son pourpoint de voyage en place, repassant les plis occasionnés par sa position avachie à table, et enlevant les miettes qui s'étaient jointes à la fête, le prêtre était prêt à repartir. Il passa sa musette autour du cou, et regardant ses compagnons pour savoir s'ils étaient eux-aussi prêts. Encore quelques jours de chevauchée pour voir le Soleil... Il sourit.

Messages : 10 Date d'inscription : 11/02/2010 Le Puy Humeur : Toujours contente

Ils avaient ri, mangé et dansé.
Bu plus que de raison et Falfalle était un peu pompette...
Pons était déjà debout, il remettait ses petites affaire en place.
On allait enfin repartir, voir cette Provence dont il lui avait tant parlé, les cigales qu'il lui avait contées.
Vite, vite !

Et c'était reparti.
Arf, ce diable de Pons n'avait pas laissé au premier archidiacre le temps de jouer les jolis coeurs à Genève. Mais c'est de bon coeur qu'il reprit la route, au froid brumeux des vallées genevoises, commencèrent à faire place des forêts et une température un peu plus avenante ...

Messages : 10 Date d'inscription : 11/02/2010 Le Puy Humeur : Toujours contente

Falfalle sauta allègrement derrière Pons.
Uriel avait un peu traîné la patte pour repartir mais il semblait d'humeur guillerette. La mirabelle était sans doute pour quelque chose dans la bonne humeur générale. C'était tant mieux, on n'allait pas lui reparler de cette histoire de baptême, du moins pas tout de suite !
Finger semblait avoir retrouvé sa joie de vivre.
Quant à Sacraï...
Mais où était-il donc passé Sacraï ?
Retourné à Luxeuil ? Surveiller ses fûts et tirer sa bière ?
On n'avait pas eu le temps de voir Genève, on ferait sans doute une halte plus longue au retour. La température serait plus clémente.
En attendant, en route vers le soleil !
Falfalle se serra un peu plus contre Pons.
Alors mon ami, qu'est-ce que nous allons faire exactement ?

Pendant que les voyageurs se préparaient afin de reprendre la route, Finger avait sorti Balthazar de son box, l'avait sellé et arnaché. Sur la croupe, elle avait mis ses soutes qu'elle avait pris soin de remplir.
Elle pris sa cape, s'emitoufla dedans et sauta en selle avec lègerté.

L'étalon, sentant la main douce mais ferme de sa maîtresse prendre les rennes, se mit à piafer d'impatience. Lui aussi était pressé de voir du pays.

Alors mon ami, qu'est-ce que nous allons faire exactement ? venait de lui demander Falfalle tout en se serrant le plus possible contre lui. Qu'est-ce que nous allons faire... oui, qu'est-ce que nous allions faire dans ce merdier ? C'était la guerre dans son beau pays. Et celui pour lequel il venait était mort l'épée à la main. Son amie ne put le voir, mais ses larmes perlèrent à ses yeux avant d'inonder ses joues.

Eh bien, pour tout dire, j'aurai préférer retrouver ma Provence dans d'autres circonstances...

J'enterre un ami...

[quelques jours plus tard, Comtat Venaissin]

Profitez mes amis, profitez! Le Mistral ne souffle

La petite troupe observait du haut d'une colline la petite vallée qui s'offrait à leurs yeux. Les sabots de leurs bêtes piétinaient les plantes odorantes de la garrigue dont les senteurs enivrantes montèrent jusqu'aux narines des cavaliers. Voilà qui flattait la Provence, un divin aperçu. Seule ombre au tableau, chose que Pons ne leur cacha point : certains habitants du pays n'étaient pas du cru. Cela n'allait pas en s'améliorant, et le Comté dépérissait. Autant il avait pu profiter il y a fort longtemps de l'apport des étrangers, autant depuis la Renaissance des Royaumes, son âge d'or était loin, un mythe tout au plus, une légende populaire d'un peuple nostalgique d'une gloire passée. Le dernier roi était mort à Constantinople, héroïquement, dans un sursaut d'idéal chevaleresque rapidement étouffé dans la fureur du sang.

Voici le Pays de Goult, mon pays

Puis d'un coup sec de bride, le Provençal ordonna à sa monture d'avancer, et d'entamer sa descente de la pente douce. De ci, de là, des amandiers bourgeonnaient et fleurissaient, annonçant l'imminence du printemps. Plus loin, au fond de la vallée, le village goultois vers lequel se dirigeaient, à travers champs et prés, les cavaliers. Un châtelet ruiné et envahi de végétation surplombait du haut d'un rocher la bourgade. Le regard de Pons se baissa légèrement, soudain attristé par la vision, se murant dans le silence.

Messages : 10 Date d'inscription : 11/02/2010 Le Puy Humeur : Toujours contente

Fallfalle tendit la main vers le visage de Pons et essuya délicatement les larmes qu’il ne pouvait retenir.

Elle avait de la peine pour lui mais, ignorant la cause de son chagrin, elle ne trouvait pas les mots susceptibles de le consoler.

Elle le serra donc bien fort dans ses bras et demeura silencieuse en priant de toutes ses forces que Pons lui conte sa vie et son pays, comme il lui avait conté les cigales…

Eh bien, pour tout dire, j'aurai préférer retrouver ma Provence dans d'autres circonstances... J'enterre un ami...

Oui, effectivement, il y avait des perspectives plus gaies !

En attendant, elle contemplait émerveillée le paysage qu’il lui désignait de ses deux bras ouverts.

Voici le Pays de Goult, mon pays ! dit-il avec fierté.

Un soleil timide les accueillait. C’en était fini de l’hiver.

Falfalle s’étira comme un jeune chat.

Je suis morte de fatigue et de faim. Je mangerai volontiers un petit pain au lait